Interview de Julien CHEVALIER (Entraîneur de l’ASEC Mimosas)

On s’est construit sur les difficultés

Acteur majeur de la saison mimosas, le coach Julien CHEVALIER s’est prêté à nos questions pour dresser le bilan de la saison de son équipe, couronné par le 10e doublé (Championnat-Coupe) du club.

Quel sentiment vous anime après l’acquisition du 29e titre de Champion de Côte d’Ivoire et du 21e sacre en Coupe nationale par l’ASEC Mimosas?

C’est un réel moment d’épanouissement. On profite de cette période de fin de saison pendant laquelle on peut enfin un peu se relâcher et apprécier le travail réalisé avec cette belle équipe et tout ce beau staff autour de moi. Ce sont des moments de festivités, de célébration et de partage convivial.

 

Qu’est-ce qui a fait la force de votre groupe, cette saison?

La plus grande force a été l’état d’esprit qui a animé le groupe du début de la préparation à la fin de cette très longue saison avec un nombre record de matchs joués. Les saisons précédentes nous ont permis de construire petit à petit cette solidarité, cet esprit de famille et de combativité pour aller chercher ensemble les succès.

 

Vous avez passé 4 saisons à la tête de l'équipe professionnelle de l’ASEC Mimosas. Vous avez manqué de peu le titre, lors de la première, à cause de l'interruption du championnat due à la COVID-19. Après, vous avez remporté 3 titres d’affilée de champion de Côte d’Ivoire et une Coupe nationale. Quels sont les secrets de cette performance?

Le travail, uniquement le travail. On s’est construit aussi sur les difficultés que nous avons rencontrées. Je savais en arrivant que la tâche ne serait pas facile. L’ASEC Mimosas venait de perdre le titre la saison précédant mon arrivée. Les épreuves nous ont permis d’acquérir de l’expérience. Il ne faut pas oublier qu’en arrivant, il a fallu bâtir une équipe et un collectif autour de deux titulaires de la saison précédente. On avait réussi à mettre en place quelque chose de cohérent dès la première saison, mais cela n’a pas été suffisant pour acquérir le titre.

 

Quel bilan faites-vous de votre parcours africain?

Il est difficile de dissocier le bilan local du bilan africain. Nos progrès sur le plan africain ont été réalisés à partir de nos résultats au niveau local. Sur les quatre saisons, on n’a fait que chercher à grandir. Cette saison, au niveau africain, on a réussi à aller un petit peu plus loin, en demi-finales de la Coupe de la Confédération. Il y a eu un peu de déception, parce qu’on aurait voulu passer cette étape et rêver d’un parcours phénoménal, en allant remporter la compétition. Le parcours a été néanmoins fantastique si on regarde de près d’où on est parti. Ce qu’on a fait est respectable et j’en suis fier.

Il faut maintenant rester concentré sur les objectifs à venir.

 

L’une des déceptions de la saison a été l’élimination par Horoya AC, en Ligue des Champions de la CAF. Quel a été votre discours après cela pour remobiliser vos joueurs?

Le discours était simple. J’ai demandé au groupe de rester lucide, l’objectif étant de chercher à progresser. Il fallait montrer qu’on avait des qualités à faire valoir. Le parcours de la saison précédente, en Coupe de la Confédération, avait été marqué par un retour en phase de poules et on n’était pas passé loin des qualifications pour les quarts de finale. Ce qui était déjà une performance intéressante. Mais en termes de maturité, on avait certains manques. Cette saison, il a fallu faire sans des joueurs qui ont dû nous quitter par la force des choses. Je suis persuadé qu’avec KI Stéphane Aziz et KONATÉ Karim, on aurait pu se qualifier pour la phase de poules de la Ligue des champions. Malheureusement, ça n’a pas été le cas et ça s’est joué sur des détails. On a été frustré parce qu’on a manqué de réussite sur les deux matchs. Il fallait alors convaincre le groupe qu’il était capable de continuer à progresser en Coupe de la Confédération, pour accéder à une étape supplémentaire. Il faut savoir rebondir après les difficultés, c’est surtout ce discours qu’on a tenu au groupe pour l’amener à se reconcentrer et être performant. On l’a fait tous ensemble en continuant à travailler avec humilité pour se repositionner sur le plan local avec les matchs en retard.

 

Quels sont les moments clés de la saison 2022-2023 ?

Honnêtement, c’est assez compliqué. On a travaillé dans la continuité. On ne décide pas des épreuves qu’on a à traverser. Il y a des moments où on pense que tout va bien se passer et on peut se retrouver en difficulté. Ça a été une remise en question permanente. Même dans les grands championnats, de grandes équipes finissent championnes régulièrement, mais parfois avec 4 ou 5 défaites et pas toujours contre les meilleures équipes. À notre niveau, on a su cultiver un esprit de compétition qui fait qu’on finit depuis deux saisons avec une seule défaite. 

Après l’élimination en Ligue des Champions, il a fallu se remobiliser parce que c’était une petite déception pour le groupe. Les départs au CHAN nous ont peut-être un peu pénalisés dans la préparation des débuts de la phase de poules de la Coupe de la Confédération CAF. Il a fallu protéger le groupe et lui redonner de la confiance. On a su le faire avec intelligence et une grande envie de travailler ensemble. On avait envie d’aller chercher les résultats. Et puis, il y a eu l’élimination en Algérie. Quand on se rapproche de plus en plus d’un rêve qui paraissait inaccessible au départ, on commence à y croire. Malheureusement, c’est à ce moment-là qu’on est tombé en Algérie face à l’USMA. Mais une fois de plus, on a su revenir sur le plan local, pour enchaîner un nombre de matchs important tous les trois jours, sans jamais faiblir. C’est là où ce groupe est admirable. Ce sont peut-être ces moments qui nous ont aidés à terminer cette saison de manière magnifique.

 

 

Qu’avez-vous le plus apprécié dans le comportement de vos joueurs, cette saison?

Tout. Surtout cette capacité à continuer à travailler quand c’était difficile ou même quand les choses semblaient faciles. Mes garçons se sont constamment remis en question. Mais cela n’est pas une surprise parce qu’on sait ce qu’on vit ensemble. On a su mettre une grande volonté tous les jours à l’entraînement. On a entretenu le même état d’esprit qui nous anime depuis des années. On a eu un groupe de combattants avec un noyau qui est resté avec nous du début à la fin. Certains éléments de l’équipe ont pris tout de suite leur place sur le terrain et d’autres ont été remplaçants. On a tenu à maintenir ces derniers avec nous, et ils ont fini par être des joueurs déterminants de ces succès. Ces joueurs de l’ombre ne sont pas des superstars, mais ils ont aidé le groupe à maintenir un état d’esprit solidaire et de dépassement.

 

Il y a eu des départs la saison dernière. Malgré cela, l’équipe a quand même bien tourné. Il y en aura encore cette saison. Comment vous adaptez-vous à tous ces mouvements?

On dit souvent que la force d’un entraîneur se trouve dans sa capacité à s’adapter. On a passé notre temps à s’adapter pour s’améliorer et à trouver des solutions pour construire un effectif avec les moyens qui étaient à notre disposition face à la concurrence qui ne cesse de grandir. On a l’impression depuis plusieurs saisons que c’est facile parce qu’on fait de notre mieux pour répondre à cette exigence et aux attentes par notre investissement au quotidien. On n’a pas remplacé le talent de joueurs comme KONATÉ Karim et KI Aziz. Mais on a trouvé d’autres forces avec des milieux de terrain qui marquent des buts en faisant preuve de solidarité, de solidité et de maîtrise collective des événements qui me semblent encore un peu plus fortes que lors des saisons précédentes. Pour la première fois, on termine meilleure défense et non meilleure attaque.

On a donc trouvé d’autres façons de contrôler les matchs et pour atteindre nos objectifs.

 

Finir champion de Côte d’Ivoire, demi-finaliste de la Coupe de la Confédération africaine et vainqueur de la Coupe nationale, ne force-t-il pas à reconnaître les compétences du coach avec un staff de qualité…

On parle du bon comportement de l’effectif, parce qu’on a un groupe de joueurs qui a accepté de nous suivre. À mon arrivée, il a fallu bien s’entourer. Je suis très heureux et fier de travailler avec le staff qui est autour de moi. On a un fonctionnement qui est parfait dans cette structure qui nous permet de continuer à avancer face à la pression, aux événements et aux difficultés. Mon rôle consiste à aider mes joueurs à garder la tête froide, à continuer d’amener tout le monde dans la bonne direction. Le rôle du staff est important et il faut reconnaître les compétences des gens. On connaît nos forces et nos limites. On est en permanence dans l’échange. Après, comme dans tous les clubs, dans tous les groupes, c’est l’entraîneur qui doit décider du travail et du choix des joueurs. On a parfois l’impression que c’est un travail simple. Mais non, il faut savoir apporter au groupe ce dont il a besoin pour mieux l’accompagner.

 

À quoi doit-on s’attendre la saison prochaine en ce qui concerne les recrutements? Quels sont les compartiments qui devront être renforcés?

En termes de recrutement, on a encore des choses à améliorer. On travaille au quotidien pour renforcer l’équipe. Mais il faut savoir aussi fixer des priorités par moments.

On est des compétiteurs et c’est avec beaucoup de lucidité qu’on cherche les meilleures solutions, les meilleurs moyens pour atteindre nos objectifs. Ensuite, avec les moyens dont on dispose, avec l’effectif qu’on a pu créer, on essaie d’être au maximum de nos capacités. Pour le moment, c’est très difficile de vous situer sur cela. Il va falloir qu’on fasse un point sur l’évolution des choses, les intérêts de tout le monde. On est déjà en train de travailler à la construction de la prochaine équipe pour la saison à venir.

Il est certain qu’il faut améliorer des choses dans tous les secteurs, le secteur technique, l’encadrement médical et l’organisation du recrutement. Quand on atteint un certain niveau, il devient de plus en plus dur d’y rester. Malgré cette belle saison, il faut maintenant s’assurer qu’on peut encore apporter des forces à cet effectif. Personne ne doit s’endormir. Les titulaires de la saison écoulée devront être confrontés à un peu de concurrence pour les obliger à rester en éveil, à continuer de travailler pour ne surtout pas se relâcher. C’est à nous de chercher les meilleures opportunités avec nos moyens en recrutant des joueurs qui pourraient renforcer et apporter des plus-values à notre effectif.

 

Vous avez fini champion de Côte d’Ivoire et vainqueur de la Coupe nationale. Par ailleurs, l’équipe féminine a été championne de Côte d’Ivoire de D2 et a réussi l’objectif de la montée en D1. Au volley-ball, les filles ont été championnes de Côte d’Ivoire. C’est donc une très belle moisson pour le club jaune et noir, n’est-ce pas?

L’état d’esprit à l’ASEC Mimosas est fantastique avec des compétiteurs à tous les niveaux qui veulent gagner des titres. On avait une certaine pression parce qu’au volley-ball, les filles avaient repris leur trophée, celles de la section féminine de football avaient également assuré. On se devait d’être à la hauteur de notre côté. Tout cela montre la volonté du club de se développer en permanence, de chercher à améliorer son organisation, ses capacités. On est dans un club qui permet de bien travailler. Et pour ça, je tiens à remercier le président et les dirigeants de nous avoir mis dans de bonnes conditions pour faire face aux difficultés, aux critiques régulières pour relever nos différents défis. Ils ont su observer et apprécier le travail qui est fait. Maintenant, il faut toujours réfléchir ensemble pour surmonter l’usure du temps et avoir la capacité à continuer d’améliorer nos performances.

 

Un mot à l’endroit des Actionnaires, notamment ceux du ‘’Mur Jaune’’ qui vous ont encore accompagnés, cette saison?

On sait que beaucoup de gens sont attentifs aux performances de l’ASEC Mimosas. Je tiens à les remercier parce qu’ils nous accompagnent et sont, pour la plupart, des forces de notre club. Cela est une source de motivation pour nos joueurs. Je remercie aussi tous ceux qui nous ont supportés, qui sont allés assister à nos performances. C’est sûr que c’est bien plus facile quand l’équipe gagne. Tout le monde est heureux d’y participer.

Je leur demande d’être toujours là quand c’est difficile. À chaque fois que ce fut le cas, on n’a rien lâché et on ne s’est pas désuni. Beaucoup ne nous ont pas lâchés et ont été présents depuis le départ.

 

Quelle sera la durée des congés et à quand la reprise quand on sait que les préliminaires de ces compétitions africaines démarrent en fin août?

Les vacances ont démarré après les différentes festivités organisées en l’honneur de l’équipe. Par contre, on n’a pas trop de temps. Parce qu’on va avoir du travail à faire pendant ces congés pour continuer à se donner les moyens de rester performants. La reprise de la saison est prévue autour du 24 juillet pour accueillir les nouveaux joueurs, faire une bonne préparation, intégrer tout le monde et bâtir notre prochaine équipe. Ce seront de courtes vacances méritées, mais studieuses pour l’ensemble de mon staff.