Les joueuses ont montré une maturité remarquable

INTERVIEW TRAORÉ Siaka ‘’Gigi’’ (Entraîneur des féminines)

Finaliste de la Ligue des champions féminine après un parcours maîtrisé, l’ASEC Mimosas a signé l’une des plus grandes performances du football ivoirien récent. Aux commandes, Traoré Siaka Gigi. Il analyse avec lucidité les forces, les manques et les enseignements de cette campagne continentale. Entre ambitions affirmées et exigences de haut niveau, l’entraîneur des Mimosas, à la suite de la Présidente, Mariétou DJIBO N’ZI, se projette déjà sur l’avenir.

Quels ont été les facteurs clés qui ont permis à votre équipe d’atteindre la finale ?

Je pense que trois éléments ont été déterminants. D’abord, la discipline collective, parce que chaque joueuse connaissait parfaitement son rôle dans l’organisation. Ensuite, l’état d’esprit, avec une équipe qui n’a jamais lâché, même dans les moments difficiles. Enfin, être la première équipe ivoirienne à relever le défi de jouer cette phase finale. Nos devancières l’Inter et Athético n’ayant pas pu franchir les éliminatoires de l’UFOA B.

 

Quel moment du tournoi vous a le plus marqué ?

Le moment le plus marquant a été le premier match contre le champion sortant, le TP Mazambé. Face à cette équipe expérimentée, nous avions à cœur de faire un bon résultat, un nul ou victoire. Notre confiance est partie de là, avec cette courte victoire (1-0). La demi-finale face au pays organisateur m’a aussi marqué. L’intensité, la solidarité sur le terrain, et la capacité du groupe à gérer la pression montrent jusqu’où l’équipe pouvait aller mentalement. Trois buts refusés et le 4e accordé, il fallait le faire et les filles l’ont fait. Des choses à ne pas oublier.

 

Après la finale perdue, quel discours avez-vous tenu à vos joueuses visiblement déçues ?

Je leur ai dit qu’elles devaient être fières. Perdre une finale est douloureux, mais atteindre ce niveau pour une première, est déjà un accomplissement énorme. Je le leur avais déjà dit à la causerie d’avant match. Je leur ai rappelé que ce parcours doit servir de fondation, pas de frustration. Nous avons montré que nous pouvions rivaliser avec les meilleures, et ce n’est qu’un début.

 

Comment avez-vous géré la rotation, la fatigue et la pression, sachant que vous n’avez utilisé que 15 joueuses sur 21 ?

La rotation a été pensée en fonction de plusieurs critères : la forme du moment, la complémentarité sur le terrain, et les profils adaptés aux adversaires. On a voulu renforcer l’équipe et ça n’a pas été possible. Quatre à Cinq joueuses étaient très jeunes dont une était en rééducation.

Il est vrai que toutes n’ont pas eu le même temps de jeu, mais dans un tournoi aussi court où on découvre qu’on doit jouer cinq matchs en 13 jours, on doit parfois faire des choix difficiles. Cela dit, chaque joueuse a contribué à la performance, même en dehors du terrain, par l’entraînement, l’énergie et la cohésion du groupe.

 

Comment décririez-vous l’état d’esprit du groupe ?

Un état d’esprit extraordinaire. Les filles étaient engagées, solidaires, disciplinées et orientées vers le collectif. Les joueuses ont montré une maturité remarquable, une vraie envie d’apprendre et de se dépasser. On a senti une équipe qui vivait bien ensemble, et cela s’est reflété dans les performances. C’était la première fois que nous passions plus de 10 jours ensemble et ça été une bonne expérience.

 

Quel est l’impact de cette performance sur le football féminin en Côte d’Ivoire ?

Cette finale envoie un message fort. Le football féminin ivoirien progresse et peut rivaliser au plus haut niveau africain. Cela donne de la visibilité, de la crédibilité et, surtout, de l’espoir aux jeunes joueuses du pays.

 

Cette visibilité va-t-elle encourager plus d’investissements et de vocations ?

Absolument. Les médias ont beaucoup parlé de l’équipe, et cela montre aux parents réticents, partenaires et institutions qu’il y a un vrai potentiel. Je crois aussi que beaucoup de jeunes filles vont se reconnaître dans nos joueuses et se dire qu’elles aussi peuvent arriver. C’est l’un des plus beaux héritages de notre parcours.

 

Comment jugez-vous le niveau du championnat ivoirien par rapport au continent ?

Le championnat ivoirien progresse énormément, mais il reste encore un écart structurel avec certains pays du Maghreb ou d’Afrique du Sud, notamment sur l’organisation, la formation et l’investissement des clubs. Ici, 2 ou 4 clubs essayent de sortir la tête. Les autres sont à la traîne. Il faut penser à la formation des cadres.

 

Certains profils attirent déjà l’attention. Des joueuses pourraient-elles signer dans des clubs plus nantis ? Comment combler ces départs ?

Oui, c’est probable. Nous avons trois éléments dans l’équipe type dont la meilleure joueuse du tournoi, et c’est même une bonne chose. C’est aussi notre rôle de permettre à nos joueuses de franchir des paliers. Pour combler d’éventuels départs, nous travaillons déjà sur des axes.

L’objectif est de rester compétitifs sans perdre notre identité.

 

Quels sont vos objectifs à court terme après cette performance historique ?

D’abord, nous voulons confirmer notre statut en remportant le championnat. Et, évidemment, préparer la prochaine campagne continentale que nous voulons revivre avec encore plus d’ambitions.

 

À long terme, que manque-t-il à l’ASEC pour décrocher le titre continental ?

Il nous manque encore un peu de maturité internationale, plus d’expérience dans les matchs de très haut niveau, et quelques ajustements dans l’effectif.

Mais avec de la continuité dans le projet et des moyens supplémentaires, nous avons tout pour franchir ce dernier palier.

 

Quels profils ou renforts envisagez-vous pour la saison prochaine ?

Nous cherchons du renfort dans les 4 compartiments du jeu : Une gardienne de but, une défenseure centrale, une milieu défensive, une avant-centre et une ailière. Mais tout cela se fera en cohérence avec notre philosophie et nos ressources.