Jusqu’où ?

Les superlatifs pleuvent et l’on ne sait plus vraiment comment qualifier les performances de nos jeunes joueuses tant elles nous surprennent de jour en jour, progressant match après match et faisant de l’exploit précédent un évènement quelconque. Je ne referai pas l’historique de cette section créée récemment et celui de tous les lauriers déjà glanés. La soirée de ce mardi, pourtant, oblige à reposer les mots à plat, à retrouver un peu de sobriété pour tenter de décrire ce qui relève désormais d’une logique propre. Celle d’un groupe qui ne se contente plus de dépasser les attentes, mais qui les déplace.

 

Car la qualification de l’équipe féminine de l’ASEC Mimosas pour la finale de la Ligue des champions de la CAF tient autant de la performance sportive que de l’histoire qui s’écrit soudain trop vite pour que l’on en saisisse chaque détail. Il y a trois saisons à peine, ces joueuses entraient encore dans l’anonymat protecteur des débuts ; aujourd’hui, elles arrivent dans la lumière avec la maturité d’équipes qui ont connu des décennies de construction. Et c’est peut-être là leur plus grand prodige. Avoir brûlé les étapes sans jamais en donner l’impression.

 

Hier, après le dernier coup de sifflet, il y avait dans leurs regards cette certitude tranquille de celles qui savent qu’elles n’ont rien volé, qu’elles ont avancé par le jeu, par l’effort et par l’abnégation. Elles n’ont pas gagné en jouant contre nature. Elles ont gagné en jouant comme elles vivent, avec cette fraîcheur inaltérable, ce mélange de naïveté offensive et de prudence intelligente qui rappelle que le football féminin, quand il est porté par la conviction, produit encore ses plus belles histoires.

On retiendra sans doute les arrêts décisifs Nina déviant un coup-franc adverse sur le poteau alors que le score était encore vierge, les trois buts refusés pour des positions de hors-jeu qui auraient pu créer de la frustration, ou encore les attaques répétées à l’infini qui permettront finalement d’inscrire le seul but qui suffit à notre bonheur. Mais on retiendra surtout le sentiment rare d’assister à la naissance d’un collectif qui n’a pas besoin d’être comparé pour être compris. Il suffit de le voir jouer pour croire en lui.

 

La finale, désormais, s’annonce comme un sommet. Peut-être qu’elle offrira un trophée, peut-être qu’elle laissera des regrets. Peu importe. L’essentiel est ailleurs. Dans cette impression durable que l’ASEC Mimosas, en trois saisons, a ouvert un chapitre que personne n’avait vu venir, sauf peut-être ces joueuses qui, sans bruit, ont décidé qu’elles n’attendraient pas demain pour écrire leur légende.

 

 

Benoît YOU